Publications

La Cour de cassation a reconnu pour la première fois le droit, pour un syndicat, de demander en référé la suspension du règlement intérieur d’une entreprise, introduit ou modifié sans avoir été soumis à l’avis préalable du CSE (Cass. soc., 21 sept. 2022, no 21-10.718 BR)

Dans un arrêt du 21 septembre 2022, qui figurera au rapport annuel, la Cour de cassation a reconnu pour la première fois le droit, pour un syndicat, de demander en référé la suspension du règlement intérieur d’une entreprise, introduit ou modifié sans avoir été soumis à l’avis préalable du CSE.

On savait déjà qu’en cas de défaut de consultation du CSE sur le règlement intérieur, l’employeur ne peut se prévaloir de ses dispositions pour justifier une sanction prise à l’égard d’un salarié (Soc, 9 mai 2012, n°11-13.687).

La Cour de cassation précise désormais les actions ouvertes aux syndicats.

Le 20 mars 2018, un syndicat a assigné une entreprise ayant modifié son règlement intérieur en vue d’une entrée en vigueur le 1er mai suivant, demandant l’annulation du texte pour défaut de consultation des CHSCT et des CE dans le cadre de la procédure de modification du règlement intérieur (L. 1321-4 CT).

En appel, le syndicat a été jugé irrecevable à agir de manière autonome pour défaut de consultation préalable, dans la mesure où les CE et le CHSCT n’avaient pas sollicité eux-mêmes l’annulation ou l’inopposabilité du règlement intérieur modifié.

La Cour de cassation a suivi cette analyse, tout en ouvrant une porte au syndicat, en lui reconnaissant le droit d’agir en suspension du règlement intérieur par la voie du référé au motif que, aux termes de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats peuvent « devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »

La Cour de cassation reconnait donc que le défaut de consultation des IRP sur une modification du règlement intérieur crée un préjudice à l’intérêt collectif de la profession que le syndicat représente.

Selon la notice d’explication jointe à l’arrêt, c’est la nature même du règlement intérieur qui est à l’origine d’une telle décision, en tant qu’acte réglementaire contraignant, s’imposant à tous les membres du personnel et qui peut prévoir « des clauses restrictives des droits et des libertés personnelles des salariés ».

Pour autant, la consultation du CSE n’est pas une condition de validité du règlement intérieur (mais une condition pour qu’il entre en vigueur), le syndicat de demander, à défaut de consultation, la nullité ou l’inopposabilité de l’acte à tous les salariés de l’entreprise, qui seraient des mesures définitives, mais uniquement la suspension du règlement intérieur.

En définitive, l’employeur peut, à tout moment, « réparer » son omission pour l’avenir en consultant les IRP, ce qui permettra de lever la suspension de son règlement intérieur.